ft Curry
La mission que l’on t’avait confié t’avait fait soupirer et râler tout le long de la route. Tu étais Gardien, certes, tu avais l’habitude de voyager sur de longues distances, mais devoir inventer des prétextes débiles pour échapper à la surveillance de cette famille bien heureuse, c’était une autre paire de manches. Pieds nus, tu avançais donc sur le sentier battu, menant vers une demeure calme et déserte. Cette fois, c’était différent, comme tu étais parmi eux depuis quelques années, tu devais prendre les devants et « former » un nouveau. C’était comme prendre un oiseau tombé de son nid pour en faire un aigle prédateur, sauf que … Il s’agissait encore de conditions bien particulières, que tu ne pouvais divulguer. Ta tenue rouge ne faisant pas la plus grande des discrétions, tu t’avanças vers la petite maison de bois, cachée au fond d’une forêt dense. Lieu de rendez-vous, avec ton supposé « apprenti ». Tu t’arrêtas pour rejeter une mèche rebelle derrière ton dos, et te gratter le cou, un peu nerveux. Ton expression n’engageait en rien la discussion, mais c’était un ordre, tu les suivais, c’est tout.



Tu étais donc resté planté quelques minutes devant la porte, regardant fixement le bois comme s’il allait t’apporter des réponses. Tu savais déjà à l’odeur que personne n’y était, qu’elle était sûrement abandonnée depuis quelques périodes déjà, mais que tu avais l’autorisation d’y entrer, et d’y rester quelques temps. En toute sécurité. Après tout, ce personnage que tu devais rencontrer, et bien, il devait te rejoindre ici. La nuit commençait à tomber, tu levas le nez sur le ciel qui se brouillait de nuances orangées, le soleil déclinant derrière les arbres puis poussas le battant pour pénétrer dans la petite maisonnée, qui se révélait vide, comme prédit juste avant. Tu poussas un énième soupir, tout en te dirigeant vers la cheminée éteinte depuis des lustres. Du bois, et de quoi fabriquer un feu, voilà ce dont tu avais terriblement besoin. Tu avais vu Ryo le faire un tas de fois. Même si toi, tu n’en avais pas réellement besoin grâce à ton pelage, un bon feu n’était pas de refus. Surtout la nuit. Peut-être que Ryoichi t’avait fait prendre le pli aussi, tu ne savais pas et tu t’en fichais.

Une fois les étoiles visibles et la lune haute dans le ciel, des braises vacillant dans l’antre de la cheminée, tu t’étiras de tout ton long avant de poser ta main sur le collier violet qui entourait ton cou, reprenant alors ta forme animale. Tes yeux parcouraient la pièce, avant qu’ils ne s’attardent sur la couleur de ton pelage. Tu étais blanc cette fois-ci. Tu ne savais cependant pas combien de temps tu garderais cette couleur, les malédictions étaient beaucoup trop imprévisibles, mais tu n’avais jamais cherché à la faire disparaître. Tu alimentais ce côté « en marge des marques sociétaires » du pays, même si cela t’agaçait que l’on te voit pour une bête de foire. Énième soupir, avant que tu ne fermes tes yeux, couché en boule près du feu, une petite pensée pour Ryo, te demandant où il pouvait se trouver en ce moment-même.

ft Curry
Tes oreilles attentives captèrent le bruit des sabots d’un cheval, puis sans bouger, restant dans un état de relaxation totalement factice, tu te contentas d’écouter avec prudence ce qu’il se passait autour de toi. Tu étais un peu fatigué de la route que tu avais faite, et puis, il fallait le dire, les Kitsunes aimaient le sommeil. De plus, la chaleur qui se dégageait de la cheminée que tu avais allumée ne te poussait pas à être le plus actif de ton espèce en ce moment. Ta queue bougeait lentement mais sûrement, le stress de la personne qui avait débarqué dans la cabane ne te laissait pas de marbre, et alors les membres de ton corps réagissaient d’eux-mêmes. Alors qu’il toussa pour montrer sa présence, tu ouvris tes yeux d’ambre, sans pour autant lever ton museau du sol. Puis tu portas ton attention sur le bois qui crépitaient dans l’âtre. « Tu comptes rester là et tousser toute ta vie, ou tu vas te détendre ? Non pas que je me préoccupe des êtres vivants, mais ton anxiété m’atteint, j’aimerai me reposer là. »



Avec un bâillement typique de Kitsune que l’on dérange pendant une sieste, tu étiras tes pattes avant, avant de t’asseoir, la grâce de ton pelage pourrait donner envie à n’importe quel brigand de t’en dépouiller, mais tu étais trop sauvage pour te laisser faire. Tu étais peut-être trop orgueilleux et prétentieux, mais tu ne risquais rien. Surtout pas face à un type haut comme trois pommes alignées. Ou l’expression s’arrêtait peut-être à « trois pommes » ? M’enfin bref, il allait se présenter, oui ou merde ?