Une esquisse dans la neige pour ne pas regarder le fil du temps s'écouler ft XingYun
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20ème jour de la Lune du Renard Camouflé en l’an 1049 | Uxy, région de Snowllia, Hautes Montagnes enneigées
« Aïe ! »
Un brusque coup de vent décoiffa le pauvre Sôh-Mon et retira sa capuche alors qu’il se blottissait tant bien que mal dans son épais manteau. Il était bien couvert, et de la tête aux pieds, mais il ne bougeait pas beaucoup. Et sa main était ensanglantée. Pour comprendre pourquoi le petit prêtre itinérant était bloqué en plein milieu de la route menant à Ofeil, et légèrement blessé, il fallait remonter à plusieurs heures auparavant.
Sôh-Mon finissait de préparer son départ du village des Kitsunes, qui l’avaient accueilli avec beaucoup de gentillesse, rassemblant un peu de nourriture, et quelques médicaments. Il avait d’abord mis quelques jours à atteindre Ofeil notamment à cause de sa montagne difficilement praticable pour un humain. Le temps y était plutôt clair, sans aucune tempête en vue, ce qui avait évidemment ravit le petit prêtre. Pourquoi prendre le chemin le plus compliqué, alors qu’il ne l’avait jamais emprunté ?...
Il avait eu envie de se mettre à l’épreuve, de remettre en question ses entraînements physiques qu’il avait suivit pendant toutes ces années à Tharas. Le jour il escaladait, et dès qu’une trop grande fatigue se faisait sentir, il cherchait un endroit, une grotte ou un renfoncement assez profond pour s’y réfugier, s’y réchauffer et s’y restaurer. Ça avait été difficile, long et épuisant, et il soupçonnait son manque d’orientation d’avoir rallongé son itinéraire… Comme d’habitude.
Arrivé à Ofeil, les habitants lui avaient offert généreusement de lui enseigner quelques notions de leur culture, sans toutefois lui en léguer ses secrets. Sôh-Mon le savait et il leur avait fait savoir très vite qu’il n’en réclamait pas tant, au contraire. Il avait soif de découvrir d’autres peuples, d’autres croyances pour s’ouvrir l’esprit, et plus se rapprocher de cette ascension et paix intérieure qu’il poursuivait. Ayant économisé sur la nourriture avant de rentrer dans la région de Snowllia, il pu se payer des bains dans les sources chaudes tous les soirs, acheter un ouvrage, se reposer et manger un peu plus que de coutume. Il fallait bien ça à son corps pour se remettre et affronter des températures aussi basses.
Ce séjour l’aura fortement ému, lorsqu’il apprendra plus en détails quelle était l’histoire de ce peuple, ce qu’ils avaient endurés, et comment ils en étaient arrivés à leur liberté. Il put également leur partager sa propre histoire, sa vie au-delà de leur montagne et des plaines, proche d’une immense étendue d’eau.
Après avoir fait son sac, prit un dernier bain, récupéré son nécessaire à dessin au fusain, un cadeau de l’une de ses connaissances à Ofeil, il décida de quitter le merveilleux village par les routes cette fois-ci, et de leur rendre leur tranquillité.
Après avoir parcouru un premier kilomètre, il s’arrêta sur le bas-côté, sorti le carnet et le fusain de son emballage en papier, et il observa ses présents sous toutes leur couture. C’était si beau… Le carnet était rouge et doré, avec de jolis broderies représentant des renards blanc, gris et noir. Sôh-Mon se releva ensuite, et se remit en route, tout en dessinant la montagne, magnifique vue qui s’offrait à son regard à moitié éteint. Il aimait énormément retenir ses souvenirs par le dessin… Chose qu’il n’avait pas assez fait dans le passé. Malgré la dangerosité de ce chemin -le peuple d’Ofeil l’avait mis en garde en lui rappelant la présence de chasseurs de Kitsunes, ou de simples bandits- Sôh-Mon était bien plus à l’aise qu’à l’allée. Il allait encore se perdre, sans aucun doute, mais il se fatiguerait beaucoup moins. Il pouvait donc totalement se concentrer sur ses esquisses… Non ?
« Essayons de dessiner son visage… »
La montagne immortalisée avec une certaine facilité -encore une fois, il pouvait remercier le temps clair- il tenta de trouver les traits de sa jeune sœur dans sa mémoire, puis de les poser sur le papier. Malgré tout… Au bout de plusieurs ratures, il se rendit compte, avec douleur, que de ses souvenirs, il ne restait qu’un… Sentiment. Un vague souvenir d’un sourire éclatant… Un rire mélodieux… Des yeux et cheveux aussi bleus que les siens… Et…
« C’est… C’est tout… »
Le cœur serré, il tourna presque rageusement la page, et soupira profondément. Il ne devait pas écouter le désespoir… Il devait…
« Je vais plutôt dessiner un visage dont je me souviens bien. »
Souriant, son regard à moitié voilé par la cécité devint mélancolique. Ce qu’il commençait à dessiner faisait parti de son ancienne vie. Et s’il se permettait de le dessiner, c’était tout ce qu’il s’octroyait. Avant de revoir quiconque de sa vie d’avant, il devait changer, et s’élever. Aller au-delà de la peine et de la souffrance. Tout en dessinant un visage, un sourire, et une longue, longue tresse, son cœur arriva doucement à calmer sa peine. Mais… Son dessin resta inachevé. Même s’il était concentré, son ouïe capta un bruissement suivit d’un grognement, le poussant à relever son regard, sa main déjà prête à dégainer sa lance attachée dans son dos. Se battre avec de l’eau dans de telles conditions était impossible pour lui. Il pouvait maîtriser l’eau sous forme de brume avec de l’entraînement… Mais la glace… Il n’y arriverait sans doute jamais.
Après avoir observé tant par son œil droit, que son ouïe aiguisée, il se décrispa, et fit trois pas sur le côté. Il venait d’apercevoir un renard des neiges… Adulte ?... Sans doute un jeune adulte. Il s’était crispé, les crocs bien visibles. Une technique d’intimidation pour éviter la confrontation avec un potentiel prédateur. Sôh-Mon savait comment gérer ce genre de situation. Il garda son calme, ne quitta pas la créature des yeux et continua son chemin, en essayant au maximum de lui montrer qu’il respectait son espace vital.
« Du calme… Je ne te ferai aucun mal. Je ne fais que traverser ton terri- !! »
Avant la fin de sa phrase, le jeune prêtre dû esquiver très rapidement. Non pas le renard effrayé, mais un système de piège assez bien élaboré en deux temps. Son ouïe ne capta à temps que la première partie… Une corde avec un canif suintant un liquide coloré et très odorant. Il avait donc esquivé la lame avec une rapide rotation, et immobilisé le couteau de poche de son talon sur le manche.
« Ahh !! »
Mais malheureusement, presque instantanément après, un grand et lourd filet lui tomba dessus. Il n’avait rien pu esquiver, et se retrouva plaqué à même la terre, au pied d’un arbre, en plein milieu de la route.
« … Génial… »
Rien de très grave… Il n’était pas blessé, et le filet était peut-être lourd, mais il avait le canif quelque part à ses pieds. Non, plus que réellement immobilisé, il était surtout gêné et honteux de s’être si facilement fait avoir. Tout en cherchant à tâtons la clef de sa sortie, il réfléchit à toute vitesse. Le filet était bien grand, même pour le plus gros des gibiers de la montagne… Mais il n’avait pas l’air résistant. Lui n’avait ni croc, ni griffe, mais ce n’était pas le cas des animaux autour de lui…
« Aïe !! »
Le petit renard qu’il avait croisé sous peu venait de lui mordre profondément l’un de ses doigts.
« Ah… Tu t’es fait prendre toi aussi ? Désolé… Hm, laisse-moi le temps de trouver de quoi nous sortir de là, d’accord ? »
La créature grogna, tenta de bouger malgré le filet, et couina, visiblement souffrant. C’est à ce moment là que Sôh-Mon comprit. D’une part, il était tombé sur un animal visiblement blessé, ce qui expliquait sans doute sa méfiance accrue… Et d’autre part… Le filet était arrivé peu après le petit couteau. Pas avant. Et la lame était enduite d’un liquide un peu poisseux. Il s’agissait sans doute d’un poison paralysant. Ça devait être fréquent pour les chasseurs. Mais au vu de la taille du filet, ceux-ci s’attendaient à de très gros bestiaux…
« Ah… Zut, je suis dessus… Bon tant pis, je vais te soigner avant, tu m’as l’air souffrant. »
Cherchant à l’aveugle dans son sac, le petit prêtre également soigneur à ses heures perdues, sorti d’abord son tome d’eau avant de construire quatre poteaux d’eaux tout autour d’eux, afin de transformer le filet en une espèce de tente. Un peu plus libre de ses mouvements, il attrapa un bandage, et un bout de fruit. Il tendit d’abord à la créature la nourriture, la laissa se restaurer, puis toucha doucement l’une de ses pattes, celle qui le faisait boiter. Bien sûr, la créature le griffa plusieurs fois, et tenta même de le mordre, jusqu’à l’épuisement.
Sôh-Mon avait mal, mais il ne s’arrêta pas pour autant. Il devait se dépêcher pour pouvoir les libérer tous les deux.
« Aïe… Je suis désolé… Je te fais un bandage qui t’aidera à moins souffrir de ta blessure. Tu pourras toujours le retirer lorsque tu iras mieux… Je sais… ça fait mal… »
La douleur un peu anesthésiée par la température, Sôh-Mon finira par réussir à calmer la créature et termina ses soins.
« Bien… Maintenant le-
-Ohh ?... Ce n’est pas un Kitsune, Marvis… Un humain ?
-Imbécile ! Je t’avais dit qu’aucun d’entre eux ne se feraient prendre ! On aurait dû s’associer avec un pro, Nahol !
-Excusez-moi… Est-ce que vous pourriez…
-On pourrait peut-être le vendre cela-dit ! »
Jamais, Sôh-Mon n’aurait pu imaginer sur de telles personnes. Surtout pas après avoir visité Ofeil. Ces chasseurs ne ciblaient ni les animaux, ni les humains à la base… Mais bien… les Kitsunes. La conversation malsaine qui s’ensuivit à son encontre ne le choqua pas plus que ce fait. Il ne comprenait pas les gens qui ne chassait pas par nécessité. Lui refuser de se nourrir de viande. Il acceptait cependant que tous, animaux, humains, Ulfhedin, Kitsune, etc… Tous avaient besoin d’avoir une alimentation plus variée que la sienne. Très bien. Mais ceux qui chassait par pur plaisir… Ou simple désir pécuniaire, il ne comprenait pas.
« Hé !! »
Ce n’est que suite au cri du jeune homme, que les deux bandits tournèrent visage et attention.
« Vous chassez les Kitsune c’est ça ?
-T’as bien entendu sale gamin. Va falloir lui donner du poison pour qu’il se tienne tranquille…
-Héhé, au pire on pourra bien lui couper la langue.
-T’avise pas de nous l’abîmer ! Ils pourraient nous rapporter gros à Uzuri ! Le chef sera content même si on lui aura pas ramené la marchandise d’exception !
-Justement. Il est pas question que je vous laisse vous en sortir ! »
Sôh-Mon était en colère… Agenouillé, le canif dans une main et son tome d’eau dans une autre, il savait qu’il allait devoir se retirer très vite de ce filet s’il voulait avoir une chance. Ainsi prit au piège, il ne pourrait que vaguement se débattre tant qu’il ne se sera pas libéré.
Et alors que le dénommé Nahol sortait un coutelas et une bouteille de poison, un bruit dans un buisson attira l’attention des deux hommes. Profitant de cette aubaine, Sôh-Mon matérialisa de l’eau et la fit couler discrètement aux pieds du premier homme. Son eau gelait instantanément, et sa quantité était limité en ces lieux, car il n’y avait pas beaucoup de neige. Donc, chaque mouvement devait être orchestré avec la plus grande minutie, et ce malgré son énervement.
Sôh-Mon pria fortement Kila et Soma, espérant qu’aucune autre fripouille ne sortirait de ce buisson. Dans quel pétrin s’était-il encore fourré ?...
Halloween
Dernière édition par Sôh-Mon Dod'Ousse le Lun 23 Mar - 19:36, édité 1 fois