My Story

L'histoire que je vais vous raconter est celle qui relate la vie du barde le plus stupide de tout Uxynael. En tant que barde et conteur, celui-ci aurait pu vous la chanter lui-même, mais soyez en sûr, cela est mieux que je me charge de cette lourde tâche. Premièrement, pour éviter que vos pauvres oreilles ne finissent en sang, et secondement, parce que celui-ci est tellement bête qu'il n'a même pas comprit sa propre existence, et pourquoi tout le monde le fuit. Tout le monde ? Peut-être pas, car aussi incroyable que cela puisse être, une personne continue de le suivre dans ses terribles aventures...

Tout commença quelques années avant que la guerre civile n'éclate. En ce temps-là, l'impitoyable Lars était au pouvoir, et le monde était différent de ce qu'il est aujourd'hui. Dans ce perpétuel chaos que ce règne engendrait, on pratiquait le marchandage d'esclaves sans s'en cacher, et l'on achetait ces esclaves presque comme si l'on achetait des pommes au marché. Bien sûr, j'exagère un peu, mais tout cela est pour que vous compreniez que le trafic d'esclaves n’était pas aussi réprimandé, surtout celui concernant les races mi-humaines et c'est pour cela qu'un homme avait décider de monter sa propre entreprise cruelle : un « Chenil d'esclaves », comme il l'appelait lui-même. Traquant les Hommes-Bêtes, les « éduquant » dans son chenil puis les revendant à bon prix. Il possédait des Laguz de toutes part, des Kitsune, des Ulfedhins et des Taguels. Lors de sa dernière chasse, il avait acquis cette femelle Laguz-Blaireau d'une rare beauté et qui, pour sûr, allait se revendre à très bon prix de par son caractère docile, et de par sa race. Les Laguz-Blaireaux étaient peu nombreux et rare à dénicher car ils étaient peureux, se cachaient sous terre dans leurs galeries et n'en sortait que rarement. Jour de chance pour le traqueur, car celle-ci semblait couver un merveilleux cadeau qu'il pourrait revendre à très bon prix. Ainsi, un mois plus tard, alors que la lune du Cygne Vertueux commençait, elle mit au monde ses enfants dans ce chenil consacré à l'éducation d'esclaves, au nord de Nirdotha.
L'éleveur d'esclaves avait déjà connu une situation similaire quand l'une de ses femelles Kitsune avait mis au monde son renardeau : elle s'était retournée contre lui pour protéger son enfant et il avait été contraint de la tuer. Pour éviter que cela ne se reproduise, il décida de retirer le petit blaireau à sa mère dès qu'il fut né, le nourrit lui-même et tâcha de le vendre dès qu'il put. Finalement, le seul qui accepta de le prendre à ce si jeune âge fut un marchand, et le blaireau né captif commença sa vie en tant qu'esclave, vendu à un prix dérisoire par son incapacité à faire quoi que ce soit à cet âge.
Son nouveau maître lui consacra du temps, trop de temps, pour son éducation et sa formation. Lorsqu'il eut 7 ans, il le jugea assez bon pour l'aider à s'occuper des affaires. Il lui apprit donc à installer les produits, à les présenter, à tenir le stand. Du moins, il TENTA de lui apprendre, mais le blaireau, même avec toute la bonne volonté et les nombreux coups qu'il recevait, ne comprenait rien à rien. Quand on lui demandait de laver les fruits, il les léchait. Quand on lui demandait de tenir le stand, il s'en allait pourchasser le premier papillon qui passait devant lui. Alors, le marchand décida de lui donner une autre activité : la comptabilité et l'inventaire. Il lui apprit donc à compter, à s'occuper des stocks, mais tous les enseignements qui rentrait par son oreille ressortait par l'autre. C'est alors qu'il se rendit compte de l'indéniable vérité : ce blaireau était un sombre crétin. Il n'était pas mauvais, il était juste terriblement stupide. Tout ce qu'on cherchait à lui apprendre, il en perdait la connaissance une heure plus tard. Son cerveau était une passoire, alors que faire d'un esclave comme celui-ci ? Finalement, il se contenta de lui demander de rester debout à ne rien faire. Son joli minois d'enfant stupide attirait les clientes féminines. Mais pas assez pour rembourser les frais que celui-ci coûtait. Alors, le marchand, dépité d'avoir consacré 7 ans de sa vie à cette créature bête comme ses pieds, finit par le revendre. Même s'il en tira un prix convenable, cela ne remboursera jamais les frais qu'il lui avait coûté durant ces longues années.
Son nouveau maître fut un prêtre corrompu. Il cherchait à obtenir une belle créature pour en faire cadeau à une personne haute gradée. Autant vous dire que voyant un Laguz-Blaireau à si bon prix, il se décida à en faire l'acquisition. Le petit esclave était encore jeune, il pourrait être manié comme il le fallait. Je ne sais pas quel était le but de ce prêtre, mais durant tout le voyage jusqu'à Fahlia ou le prêtre résidait, il n'arrêtait pas de dire au Blaireau que celui-ci était un cadeau des dieux - Étrangement, cette phrase resta coincée dans son cerveau-passoire- . Mais était-ce un cadeau des dieux, ou une malédiction ? Le prêtre regretta d'avoir prononcé ses mots le jour ou le blaireau cassa ses vases de grandes valeurs en passant le balai, sa vaisselle en mettant la table, et coupa le doigt d'un autre esclave en découpant des pommes de terre. Finalement, le jour où il donna ce blaireau en cadeau au noble fut comme une douce délivrance pour l'homme de foi qui avait fini par perdre sa foi en lui.


Le blaireau arriva donc dans les mains de ce noble lorsqu'il eut 9 ans. 9 ans, mais pas plus intelligent que les huit autres années qui s'étaient écoulées. Le noble fut très content de ce nouvel esclave, rare, et qui pouvait servir si on lui confiait une bestipierre. Ainsi, il fit faire un collier pour le blaireau, un collier assez large car il se doutait que celui-ci allait encore grandir. Il fit importer une bestipierre et la serti dans le collier. Au départ, le Blaireau ne supportait pas d'avoir ce bijou autour du cou, et il n'en voyait pas l'utilité. Le noble lui dit donc que cela était pour le mettre en valeur, car il avait bien compris que le Laguz n'était pas très futé. Le maître sous-entendait par là qu'il ne servait visiblement à rien sans sa transformation, mais le blaireau comprit cela tout autrement. On lui disait d'abord qu'il était un cadeau des dieux, puis on lui offrait un beau bijou à lui, l'esclave, il commençait à sentir qu'il était... différent.
Cependant, une bestipierre ne fait que transformer un corps, et non un esprit. Et puis, que faire de cet humain-blaireau ? Il cassait tout ce qu'il touchait, il parlait beaucoup trop avec son éternelle question « pourquoi ? », curieux de tout. Les cuisiniers disaient qu'il les empêcher de se concentrer sur la préparation des plats, le personnel d'entretien affirmait qu'il ne comprenait même pas ce qu'il fallait faire, quand on le mettait aux écuries, il parlait aux chevaux toute la journée et cela rendait fou les garçons d'écuries. En bref, il ne trouvait sa place nulle part, et le noble commençait à perdre patience. Bien sûr, la seule chose à laquelle il servait était de bête de foire lors des fêtes que ce maître organisait. Il le montrait, on le félicitait sur son apparence, il se transformait, puis on l'applaudissait. Mais ce petit tour finissait par lasser l'auditoire, et le blaireau n'avait plus aucune utilité. Ainsi, le noble pensa à le revendre. Il devait en tirer un bon prix, car cet incapable lui avait coûté. Déjà, puisqu'il avait désormais une pierre, il pouvait le revendre plus cher qu'à son acquisition. Le problème était de réussir à le vendre... Il tenta de le refiler à quelqu'un de son entourage, mais tout le monde semblait comprendre que quelque chose clochait avec lui. Ainsi, un beau jour, le noble décida de prendre la route avec son idiot d'esclave et s'en alla trouver un acheteur. C'est à Ama qu'il trouva quelqu'un qui fut intéressé par ce jeune Laguz. Avant de faire monter les enchères, son maître lui ordonna de ne pas parler. Il commença donc à vanter la qualité de cet esclave qui avait une peau solide -il tût le fait qu'il lui avait administré tant de corrections vu son incapacité à comprendre la moindre chose et que le blaireau n'avait pourtant presque plus de marques, il valait mieux garder ça pour lui -. Il se vanta également de son joli minois, ses longs cheveux noirs et blancs, et ses yeux verts. Mais la beauté et la robustesse de l'esclave ne ferait pas monter son prix, alors il osa... oui, il osa un simple petit mensonge.

- Vous savez, il n'est pas seulement beau et robuste, c'est aussi un... excellent cuisinier ! Oui, cela me chagrine de me séparer d'une personne capable de faire des mets aussi … divins. Je n'ai pas d'autres mots. Hélas, il était si bon que mes autres cuisiniers le jalousaient, et ma femme elle-même, aimant confectionner des petits plats, ne pouvait supporter sa présence. Mais, vous n'êtes pas marié, n'est-ce pas ? Ainsi, cela ne vous posera aucun problème.

Oui, c'est vrai. Le maître se sentait un peu coupable d'offrir un tel mensonge, il n'avait mangé qu'un seul plat de ce blaireau, et cela était si infecte que même les chiens n'en avaient pas voulu. Mais il fallait bien qu'il se débarrasse de lui, et a vu d'oeil, son potentiel client aimait la nourriture. Apparemment, cela avait piqué la curiosité de l'homme gras qui déboursa plus que ce que l'on lui demandait. Le Laguz avait un nouveau maître.
L'homme bien portant s'en alla donc chez lui tester la qualité de son nouvel esclave. Un incroyable cuisinier qui lui ferait à manger sans qu'il ne débourse une seule pièce, n'était-ce pas le paradis ? Evidemment, quand il goûta au fruit interdit ou plutôt à l'assiette qu'il lui servit, il ne connut que l'enfer tant le goût était une atrocité. C'est alors qu'il comprit qu'il s'était fait rouler. Il s'en décida donc de jouer le même tour et de récupérer son argent, et même se faire un une petite marge sur son compte. Il s'en alla à un club secret ou chacun pouvait apporter un objet de valeur. Une sorte de vente aux enchères privée et anonyme qui se déroulait non loin de la frontière avec Snowlia. C'est là que le blaireau rencontra celui qui deviendrait son nouveau maître. Celui qui cherchait à le revendre vanta à son tour ces mérites en augmentant le nombres de mensonges à son propos pour en obtenir un meilleur prix.

- … en plus d'être robuste, d'une beauté sans pareille, cuisinant moult merveilles, il est également un grand sage. Cela me blesse de m'en séparer, mais je me sens si stupide à côté de mon propre esclave. Il est peu bavard comme vous le constatez, mais tout ce qui dit est une vérité générale. J'ai tant appris de lui, et si vous êtes aussi intelligent qu'on le prétend, vous ne pourriez vous passer de discussions avec cet être si incroyable.

A nouveau, l'acte de vente fût signé. A nouveau, le nouvel acquéreur se rendit compte bien vite que son bien fraîchement acquit était inutile, en plus d'être insupportable. Lui ? Quelqu'un qui ne parle pas et qui ne dit que des paroles remplies de sagesse quand il ouvre la bouche ? C'était n'importe quoi, même quand il le battait il ne pouvait pas s'empêcher de parler pour déblatérer tout ce qui lui passait par la tête. Il fallait vite le revendre, et s'il était possible d'en obtenir plus que ce qu'il avait déboursé pour lui... Le schéma se répéta, voilà le maître qui vanter des qualités imaginaires pour vendre sa bête bien... bête.

- ...Une robustesse à toute épreuve, la magnificence de son pelage et de ses yeux, un cuisinier hors pair et un Laguz rempli de sagesse. Non, cela dépasse la sagesse. C'est un devin ! Il peut prédire l'avenir. Moi-même je me faisais de l'argent grâce à ses prédictions. Et la façon dont il annonçait le futur... il ne le dictait pas, il le chantait ! Et cette voix comme nulle autre, une fois que vous l'avez entendu, vous ne pouvez plus l'oublier. Elle résonne dans votre corps, dans votre âme, aucun barde ne pourrait l'égaler. Hélas, il a prédit la mort de ma femme il y a quelque jour et depuis, je ne peux plus le regarder dans les yeux en connaissant le funeste destin de mon épouse. Je suis prêt à vous le léguer pour un prix dérisoire.

L'escroquerie marcha, une fois de plus. Le nouveau maître lui donna un très beau luth pour que celui-ci lui chante son avenir. Quelle désastre lorsqu'il entendit la voix criarde et épouvantable sortir de la gueule du Laguz ! Pour sûr, elle raisonna dans son corps à lui en donner des frissons d'horreur, et il en cauchemarda le soir venu. Il avait été victime d'une escroquerie, et j'ose vous dire qu'il avait payé le double de ce que le précédent avait payé. Il ne pouvait tolérer cela, et ainsi la boucle continua. L'acte de propriété du blaireau passa de mains en mains, et il voyagea de maison en maison, dans chaque région, à Nael, à Uxy, par delà les plaines, les montagnes, les forêts qu'il commençait à connaître par cœur.
Chaque fois, le maître escroquait une victime en lui versant de plus en plus de plus en plus de bobards, grandissant les qualités inexistantes de l'esclave pour se faire toujours plus d'argent. Le problème était que, stupide comme il était, il ne comprenait pas pourquoi il passait de main en main. Ce qu'il retenait surtout, c'était ce qu'on disait de lui, ce qu'on pensait de lui. Il avait tant de qualités ! Il était si exceptionnel ! N'était-il pas … l'incarnation même de la PERFECTION ?


En voyant ce titre, sans doute pensez-vous que cela est impossible. Un esclave qui ne sert à rien à part donner des migraines, casser tout ce qu'il touche, rendre fou tous ceux qui l'approche, qui a l'audace de se nommer lui-même ? Peu importe ce que vous imaginez à cet instant, cela est forcément différent de ce que je vais lui raconter. Car cette histoire est d'une stupidité sans nom.
Au fil du temps, passant de maître en maître, louant toujours plus la personne qu'était le Laguz, celui-ci se crut tout simplement extraordinaire. Après tout, c'était ainsi que le qualifiait ses maîtres. En plus d'être inutile et idiot, celui-ci devint imbu de lui-même, narcissique, tout simplement insupportable et ingérable. L'un de ces anciens maîtres, ne pouvant le supporter d'avantage, tenta de l'abandonner dans les bois d'Hishene, mais celui-ci revint quelques heures plus tard, pensant que son maître jouait à cache-cache avec lui. Il était impossible de perdre ce blaireau, il retrouvait toujours son chemin. Un autre lui proposa de retrouver sa liberté, mais le stupide animal ne comprit pas et la refusa. Un autre encore, devenu fou, chercha à l'assassiner. Le blaireau prit peur et s'enfuit, puis revint quelques jours plus tard en pensant que son maître cherchait à renforcer ses sens infaillibles, et finalement son maître s'exila de sa propre demeure et l'esclave devint propriété de ses enfants. Il y eut également le jour où, attiré par sa beauté, l'épouse de son maître lui demanda un peu de réconfort et lui apprit le goût des plaisirs. Pas le goût de l'interdit, en tout cas, car le lendemain même il alla demander à son maître pourquoi sa femme s'était mise nue devant lui et lui avait fait ceci et cela. Le maître battu sa femme, mais eu pitié de ce pauvre blaireau qui était tout simplement trop bête au point de lui révéler lui-même qu'il était amant de sa femme, sans même comprendre son crime. Il y eut tant d'histoires sans queue ni tête, mais telle était la réalité de ce Laguz sans cervelle.
L'histoire sur son prénom se déroula lorsqu'il eut une quinzaine d'années, et qu'il continuait à changer constamment de foyer. Pourtant, cette fois-ci, son maître le garda plus longtemps que la plupart ne l'avait fait. Ce maître-ci était un mage noir et apothicaire, traversant le pays, et vendant ses mixtures, et il avait trouvé une utilité au blaireau : une fois transformé, celui-ci arrivait à lui dénicher certains ingrédients rares pour ses concoctions. Ainsi, même s'il s'était fait rouler, le mage noir voulait profiter un maximum de son acquisition avant de le revendre dès qu'il ne pourrait plus le supporter.
Une nuit, alors qu'il rêvait de lui-même comme presque toutes les nuits, une question existentielle vint le tourmenter dans ces doux songes de sa grandeur. Comment lui, si génial, si magnifique, si unique soit-il, pouvait-il encore être appelé « Toi, là ! » ? Évidemment, né en captivité, jamais personne ne lui avait accordé un nom. Et il faut dire que, vu comme il changeait souvent de propriétaire, aucun ne se donnait la peine de lui accorder une quelconque importance. Oui, celui qui s'accordait de l'importance, c'était lui-même ! Et une personne de son rang, car il se pensait au-dessus de tout le monde, ne pouvait pas être appelé « Toi ». Ainsi, il e mit en quête d'un nom. Et qui d'autre pouvait lui en donner un sinon son maître ?
Alors qu'il avait fait ce rêve, le matin même, il demanda un nom. Le mage dont il était la propriété n'accorda aucune attention à sa demande et continua à lire ses ouvrages. Mais, le blaireau n'en démordit pas et ne cessa de demander un nom, répétant qu'une personne d'une si grande valeur se devait d'avoir un nom aussi exceptionnel que lui. Pour lui changer les idées, le mage l'envoya chercher des ingrédients.
A son retour, l'esclave ne démordait pas de son idée et sans cesse, il demanda un nom. Au déjeuner ? Il voulait un nom. Après la cueillette des champignons ? Il voulait un nom. Pendant que le mage faisait ses potions ? UN NOM. Il voulait un nom, un nom, un nooooom ! Toute la journée, il finissait ses phrases par « Donnez-moi un nom ! » ou « Quel est mon nom ? » et je pense que vous vous en doutez, le blaireau avait beaucoup de mal à se taire. Bien sûr, le mage tenta de lui assigner des noms au hasard comme « bout de bois » ou « caillasse », mais il répétait que cela était trop commun. En plus d'exiger un nom alors qu'il n'était qu'un esclave, le voilà qui se mettait à faire son difficile. Pire que tout, il arriva même le moment ou le blaireau prit son luth pour chanter une chanson pour avoir un nom. Ce maître l'avait laissé chanter une fois. Une seule fois, et il s'en souvenait si bien. Comme par magie, les fioles et flacons qu'il gardait dans sa pièce s'étaient mise à éclater tant la note était fausse. Depuis ce triste jour, il contrôlait les chants de son esclave en lui disant d'aller chanter au fond de la forêt pour « apaiser les esprits ». Heureusement, ce mage habitait loin de toute civilisation, et les seules victimes étaient donc les animaux de cette forêt. Quand il voyait par sa fenêtre une nuée d'oiseaux s'envoler de tous les côtés pour fuir les bois où ils logeaient, il se bouchait les oreilles pour être sûr de filtrer tous les sons. Cependant, cette fois-ci, l'esclave n'était pas dans la forêt. Il souhaitait chanter ici, devant lui, pour lui sommer de lui offrir un nom. Le plus rapidement possible, le mage feuilleta un livre de magie, tomba rapidement sur la page intitulée « Sort de mutisme temporaire ». Si seulement il possédait un sort pour faire fermer définitivement son clapet à ce blaireau, mais il se contenta de réciter la formule :«  Antimachus nedymnus tiga silentium... » etc, etc.
Oui, vous l'avez compris. Cet idiot de blaireau cru que son maître lui donnait un nom, mais ne retenu que les deux premiers mots de la formule que le mage noir avait utilisé contre lui. Cependant, il ne comprit pas vraiment pourquoi par la suite, aucun son ne sortait de sa bouche. La première remarque qu'il dit une fois la parole retrouvée fût « Ce nom est si stupéfiant qu'il m'a laissé sans voix ! ».
Ainsi, Antimachus-Nedymnus fut nommé Antimachus-Nedymnus par sa propre stupidité.


L'histoire suivante est une histoire qui met en avant la vie d'Antimachus-Nedymnus alors que celui-ci avait été vendu comme esclave à un cirque itinérant, qui ne « recrutait » que des races mi-Hommes mi-animaux afin de les faire faire des numéros, parfois difficile, fatiguant pour certains, mais pas pour le Laguz Blaireau dont nous suivons l'histoire en ce moment même.
Beaucoup de personnes connaissaient ce cirque peu commun qui voyageait dans les contrés d'Uxynael, sa réputation toujours plus grandissante. Les enfants aimaient voir les humains se transformer sous leurs yeux ébahis, et la plupart des spectateurs ignoraient que presque tous les « artistes » de ce cirque n'étaient en fait que des esclaves achetés par le directeur, un homme avare à la fine moustache, prêt à tout pour s'enrichir davantage. Quand il entendit parler d'un Laguz Blaireau merveilleux, il n'hésita pas à partir à sa recherche pour en faire l'acquisition et, comme tant avant lui, tomba dans le piège et devint son nouveau maître en déboursant une grosse somme d'argent. Il pensait qu'en achetant ce nouvel esclave, dont on pouvait tomber amoureux juste en entendant ses chants oniriques, et qui était un puits de sagesse sans fond, capable même de lire l'avenir, la réputation de son cirque s'envolerait et il serait même convié à la cour des familles les plus prestigieuses. Bien dommage pour lui, il avait imaginé tant de numéros pour son plus grand artiste qui finalement... était le pire. Il était incapable de faire quoi que ce soit, et le moustachue s'en était rendu compte à l'instant même où il lui avait demandé de montrer ses divers talents. Mais le pire dans cette histoire, c'est que le blaireau se croyait le meilleur de la troupe ! Il ne comprenait rien à rien, et quand on lui disait qu'il était incapable, il pensait qu'on lui disait qu'il était incroyable. Le cirque venait de s'enchaîner à un boulet, et cela aurait de fortes répercussions.
Le premier mois se passa plutôt bien compte tenu des autres. Le propriétaire du cirque avait convenu d'un numéro. Antimachus-Nedymnus se tiendrait sur un podium, se transformerait à l'aide de sa bestipierre, et sauterait dans un cerceau tenu par un Taguel, un autre esclave de ce cirque. Il n'y avait rien de compliqué à cela, et cette situation semblait convenir. Mais le blaireau aimait être sur scène, et voir tous ces gens applaudir sa performance lui donnait envie d'aller plus loin. De les... récompenser de par sa présence unique ! Il voulait se donner en spectacle, que le spectacle ne tourne qu'autour de lui car après tout... n'était-il pas le plus fabuleux ? Le stupide animal crut que ce simple numéro concernant sa brillante personne n'était qu'un avant-goût de ce qu'il devait leur offrir, qu'une... entrée en scène ! Son idée germait en lui chaque jour, chaque nuit. Il devait aimer son public comme le public l'aimait. Il devait... oui, leur dédier une chanson ! N'avait-il pas une divine voix, capable de dicter l'avenir et enchanter chaque personne ? Après tout, c'est ce qu'on répétait sur lui depuis si longtemps. Il devait laisser sortir ses émotions, sa gratitude ! Et c'est ainsi que, après avoir longuement réfléchi, il décida de se lancer. Le soir-même, il fit son numéro comme habituellement. Il monta sur le petit podium, se transforma sous les yeux des spectateurs, sauta dans son cerceau, se fit applaudir, se détransforma ? Prit l'initiative de remercier le public en s'inclinant bien bas et... COMMENCA A CHANTER ? Chaque personne présente offrit sa plus belle tête déconfite alors que le directeur, paniqué, pressait ses esclaves de faire taire ce stupide Laguz. Le public se pressa de sortir, n'offrant pas une seul pièce ce soir-là, puis fit naître la rumeur comme quoi ce cirque itinérant était le pire qu'ils avaient connu.
Et cela ne s'arrêta pas, jamais. Chaque fois qu'il retournait aux devants de la scène, il cherchait à se mettre en avant. Il fallait ruser pour réussir à le faire sortir, ou utiliser la force. La seule qui semblait apprécier ses magnifiques prestations était cette Laguz panthère des neiges, qui s'amusait fortement de la situation. Antimachus-Nedymnus pensait que celle-ci était d'une aide précieuse, elle avait toujours de bonnes idées à lui conseiller, comme cette fois-ci ou elle lui susurra qu'il serait mieux pour lui d'avoir une tenue de scène pour un effet de surprise... renversant. Et en effet, cela fut renversant de voir le blaireau monter sur son podium, à moitié nu, avec une tenue de danseuse du désert pour le couvrir, et commençant un discours sans queue ni tête. Ou la fois ou elle lui conseilla d'arroser le public car il faisait très chaud, ce qu'il fit car il savait bien que sa présence était une source de chaleur pour qui posait les yeux sur lui. Ou cette fois où il arriva sur scène en poirier, en robe, avec très peu de tissus en dessous pour couvrir son anatomie. N'en doutez pas, le directeur du cirque l'empêcha par tous les moyens de remonter sur scène en l'enfermant en cage, mais étrangement, une certaine personne venait toujours lui ouvrir et lui ne voulait pas priver le public de sa présence, voyons ! Il était devenu le pitre de ce cirque, les spectateurs lui lançaient tout ce qu'ils avaient sous la main pour le faire quitter la scène et lui pensait qu'il s'agissait de don de ses fans. Les bouffons, il y en avait, mais ce n'est pas ce que les gens recherchaient dans ce genre de cirque. Les enfants s'en amusaient, les adultes s'en indignait et bientôt ce cirque se fit connaître comme le moins fréquentable, et le directeur constatait à vu d'oeil comme son public diminuait de jour en jour. Il ne pouvait se ruiner et décida donc de vendre le fauteur de troubles. Quand le directeur trouva un acheteur, un marchand venu de très loin qui ne connaissait pas encore la réputation du cirque et la cause de tous les malheurs qui l'entourait, son cirque prit feu de manière tout à fait étrange.
Peu avant que cela ne se produise, un laguz blaireau et une laguz panthère des neiges se trouvaient à l'écard de leurs « collègues ».

- Tu es sûr, Chenn ? Mon public me réclame ? Mais, pourquoi dois-je chanter aussi loin du cirque ? Oh, peu importe, un peu de variété dans cette prestation ne peut qu'être bénéfique pour notre image, n'est-ce pas Cheh ?

En réalité, cela était un stratagème pour éloigner le blaireau de la scène du crime. Tandis qu'il commençait à gratter son luth -et sachez le car je ne l'ai pas dit plus tôt, il avait un talent pour le luth. Ses mélodies étaient très belles, du moment qu'il n'ouvrait pas la bouche pour accompagner son instrument. C'était sans doute l'une des choses qu'il faisait de mieux- en attendant que la foule vienne autour de lui -mais aucune foule ne vint-, d'immenses flammes dansaient aux sons de ses notes, là-bas, à l'emplacement du précédent cirque qui partait en fumée. Pourquoi ? Comment ? Il n'en su rien, tout ce qu'il vit était cette chère panthère courant dans sa direction.

- Oh, regarde Chenn ! Les habitants me remercient de ma venue en me dédiant cet immense feu de joie. Je suis si ému, j'en aurais presque la larme à l'oeil. MERCI ! MERCI, PUBLIC. VOUS POUVEZ CELEBRER CE JOUR COMME ETANT LE JOUR DE MA VENUE, ET FAIRE UN GRAND FEU DE JOIE CHAQUE ANNEE EN MON HONNEUR. NOUS APPELERONS CETTE CELEBRATION « La divine fête d'Antimachus-Nedymnus, le brûlant ! ». QUE J'ECLAIRE TOUJOURS VOS PAS ET VOS COEURS !...

Tandis qu'il continuait son discours en lançant des baisers alors que personne n'en voulait, il continua de se faire traîner par celle qui venait de stopper cette boucle infernale. Cette boucle qui avait commencé à sa naissance, alors qu'il était né en captivité. Cette boucle qui consistait à le vendre, revendre, faire de l'argent sur son dos sans que celui-ci ne comprenne même pourquoi il était traîné de villes en villes, foyers en foyers. Bien sûr, il continuerait de voguer de contrée en contrée, accompagné de son fidèle luth, sa bestipierre, et surtout de sa plus grande fan qui l'avait sauvé. Mais, était-il vraiment libre ?


Une page se tourne, et une nouvelle vie commença pour Antimachus-Nedymnus. Cela faisait plus de six mois que cet improbable duo continue son chemin, barde et danseuse itinérants, se nourrissant des tomates et de fruits mûrs qu'on jette sur le blaireau à chaque fois qu'il se met en scène et des pièces que la belle panthère arrive à… ramasser. Celle qui l'accompagnait était sa nouvelle maîtresse, bien qu'il l'ignorait et qu'il pensait qu'elle était sa plus grande fan ! Après tout, elle le suivait toujours, le conseillait, et lui offrait même à manger. Il ne le savait pas, mais il n'avait jamais reçu autant d'affection et de bon soin que depuis qu'il était sa propriété. Mais, je m'égare.
Je ne peux écrire davantage sur ce chapitre, car il commence maintenant. Musique ? Un, deux, trois, fuyez !-